Je veux être augmenté(e)…, pas en salaire, en IA !

Expliquer l’Intelligence Artificielle (IA) en quelques points, mission impossible me direz-vous ? Et pourtant, c’est l’objectif des lignes qui suivent !
Mais d’abord, en quoi l’IA vous concerne-t-elle, si vous êtes un professionnel du patrimoine ou bien un investisseur potentiel ?

Sujet décrypté par Irina Chausson, Vice-Présidente de Finzzle groupe

« En quoi, ça me concerne ? »

Les secteurs financier (Banque et Assurance) et réglementaire sont à la fois prioritaires et privilégiés en matière d’IA. Ils comptabilisent un nombre important de start-ups (Fintech, Insurtech et Regtech), à l’échelle mondiale. Les investissements y sont colossaux, à l’image des enjeux économiques et concurrentiels.

Prenons le cas concret d’un consultant patrimonial Prodemial, habilité à distribuer des solutions d’investissement à des investisseurs particuliers, et notamment de l’immobilier locatif, du financement, de l’assurance-vie, des placements financiers. En quoi, l’IA le concernera-t-elle, demain ? Sans aucune exhaustivité, quatre aspects de son métier, méritent, me semble-t-il, un zoom particulier :

  1. Avec la notion de « conseiller augmenté », un professionnel pourra être en mesure d’être plus que jamais expert. En quelque sorte, l’IA mettra à disposition d’un consultant lambda toute la connaissance et toute la maîtrise d’un conseiller-expert. Pour autant, l’inquiétude parfois exprimée sur la capacité que l’IA aura à remplacer l’humain dans la relation client se heurte à l’humanité-même du client, qui, pour des décisions importantes, a besoin du conseil de son semblable. Jusqu’à preuve du contraire, l’humain est un être profondément social.

  2. L’angoisse obsessionnelle de la conformité, au sens large du terme, (lutte anti-blanchiment d’argent, complétude des dossiers, adéquation produit/investisseur) sera enfin maîtrisée, car l’IA apportera une contribution inestimable dans la compréhension et l’application des lois et des réglementations, mais aussi dans toutes les tâches de supervision et de contrôle.

  3. Aussi, l’IA devrait en principe nous obliger à refondre de fond en comble la structure et les contenus des formations pour les professionnels du patrimoine. De plus en plus complexes et longues, ces formations obligatoires obéissent à des exigences qui sont aujourd’hui décriées par la profession, car souvent elles sont déconnectées des besoins du terrain (compétences relationnelles, économie comportementale, approche client) et basées sur de la mémorisation et du calcul. L’IA « adore » apprendre par cœur et calculer ! Elle viendra naturellement « augmenter » le consultant par ses Hard skills ; ainsi ce dernier pourra se consacrer davantage au client et à ses décisions d’investissement.

  4. La relation client sera sûrement bouleversée par l’IA, autant pour un consultant que pour les back-offices, dans l’entreprise. La fluidité des échanges, l’objectivité et la précision des réponses et des services apportés, ainsi que la qualité de l’écoute du client final seront la récompense pour tous les investissements qui devront être réalisés, humains et financiers.

Revenons maintenant à l’Intelligence Artificielle, elle-même.

Arrêtons déjà de l’appeler « Intelligence artificielle », parce que c’est 3 fois réducteur !  

  1. Derrière l’IA, il y a aussi Internet, les Big-Data, la Blockchain, les nanosciences, tous ces facteurs technologiques et scientifiques qui en font une « quatrième révolution industrielle », sans précédent.

  2. Il s’agit d’un « Système Apprenant » capable de se former lui-même, même s’il n’existe pas sans l’homme. : c’est une Intelligence Augmentée par l’intelligence naturelle de l’homme dans tout ce qu’il sait, dit et fait.

  3. Il s’agit d’une collaboration entre l’Homme et les machines, où l’humain a tout à gagner, en leur faisant faire ce qu’il ne peut et/ou ne veut plus faire.
Prenons conscience des « 6 sens » de l’IA : comprendre, entendre/parler, voir, ressentir, tout savoir et… réfléchir !

intelligence artificielle

  1. A la différence d’un moteur de recherche, les plateformes d’IA sont conçues non pas pour rechercher des mots-clés, mais pour comprendre sémantiquement notre langage naturel. Quand on sait que le malentendu est un cas particulier de la compréhension entre les humains, les progrès de l’IA en matière d’intention, de sous-entendus et du second degré sont particulièrement importants. 

  2. La voix de l’IA est un élément clé dans le déploiement des objets intelligents. Entendre et parler signifie que la machine est capable de distinguer ce qui fait l’unicité de chaque voix et aussi de les reproduire absolument toutes.

  3. La reconnaissance visuelle consiste non seulement à voir, comme une caméra le ferait, mais surtout de distinguer et de catégoriser toute l’information (p. ex. reconnaître la classe des chats parmi tous les autres animaux à poils). 

  4. Dire que l’IA éprouve de l’empathie au sens où l’humain en fait preuve, est (encore) un abus de langage. En revanche, la machine est capable d’interpréter nos émotions, les percevoir, en les mettant par exemple en rapport avec la couleur du visage, selon l’afflux du sang (rouge pour la colère, pâle pour la peur, etc.). 

  5. L’IA sait tout, ou presque ! En effet, elle se nourrit de tout ce qu’on lui fournit (des données structurées dans des bases de données mais aussi des données non-structurées d’Internet. Plus encore, elle est capable d’apprendre d’une manière dynamique ! Ainsi le système apprenant initial est capable, en temps réel, d’ingurgiter de nouvelles informations (data) et de les traiter séparément dans son processus d’apprentissage. 

  6. Attention ! La machine ne nous restitue pas de la data initiale, mais une information traitée intelligemment. Ainsi, dans une certaine mesure, l’IA, en corrélation avec d’autres technologies, peut « raisonner », c’est-à-dire, est capable d’analyser et de proposer des approches et des réponses qui paraissent les plus pertinentes, d’un point de vue encore probabiliste et statistique ou suivant des règles d’inférence prédéfinies. Et en ce sens, l’IA peut être dérangeante, car très créative et sans limites. 
L’IA a besoin de l’humain, car il faut que l’humain reste « le Patron »
  1. C’est l’humain qui la développe et la déploie, l’utilise et lui apprend. D’ailleurs l’utilisation de l’IA est la condition centrale pour qu’elle évolue. L’IA se nourrit en permanence de ce qu’on lui donne : essentiellement (80%) des Big Data (carburant qui provient de notre contribution collective sur Internet).

  2. C’est l’humain qui la gère, la corrige. En effet, l’IA est éminemment humaine : c’est un nouveau Janus, (dieu à deux têtes). Elle porte en elle tous les biais de l’humain, en amplifiant ses défauts, surtout si elle n’est pas bien supervisée. L’homme doit lui « inculquer » sa morale (ses valeurs, ses opinions), lui faire respecter ses lois et aussi édicter des chartes éthiques – pour nous les humains – qui reposent sur des principes de transparence, de sécurité, de responsabilité et aussi de pédagogie pour faire comprendre l’IA.

  3. Enfin, l’IA a besoin de l’homme pour avoir un but bien défini, même si l’homme peut décider de lui donner plus ou moins d’autonomie dans son apprentissage, pour favoriser d’autres découvertes et innovations. C’est la limite qui le sépare de la machine : l’humain a une conscience de soi, un libre arbitre, un esprit critique de son jugement.
L’IA challenge l’humain dans sa suprématie absolue : son intelligence
  1. Au même titre que la vapeur, l’électricité, Internet, l’IA change tout pour tous. C’est une 4ème révolution industrielle et elle jouit du statut de General Purpose Technology (GPT), car il s’agit d’un phénomène à impact systémique. Et elle détruira sûrement beaucoup de valeur, tout en construisant une autre, bien plus puissante.

  2. Contrairement aux autres révolutions industrielles qui avaient impacté des populations, des classes sociales, l’IA s’attaque aussi à ceux qui avaient été relativement protégés, lors des précédentes ruptures technologiques. Elle défie l’élite, les métiers à « haute densité intellectuelle ». En effet, depuis la nuit des temps, le socle de « l’intelligence humaine » est basé sur deux piliers (hard skills) : 1. capacité à ingurgiter des savoirs (connaissance) et 2. capacité à calculer. Face à l’IA, l’humain perd tout avantage et de très loin. En revanche, il lui reste les soft skills (créativité, compétences cognitives, nature sociale).

  3. Le new deal entre l’homme et la machine se nourrira des deux types d’intelligence hard et soft skills, sans opposition, car autant l’humain que la machine ont besoin des deux. On pourrait dire que dans un futur augmenté, le binôme homme-machine obéira d’une certaine manière au contraire d’un vieil adage : « qui s’assemble se ressemble ».

L’humain a besoin de l’IA
  1. Même si tous les aspects de notre vie seront impactés par l’IA, il existe des domaines prioritaires : le règlementaire (l’IA met 3 minutes pour lire et interpréter 150 pages de texte règlementaire !), la finance, la médecine, la supervision/contrôle, les métiers du droit, la politique (aspect décisionnel), mais également les métiers dangereux pour l’humain et les activités à stress et à fatigue qui peuvent provoquer des erreurs.

  2. L’IA impactera assez rapidement les entreprises, en les transformant en « entreprises apprenantes » sur trois aspects : 1) les plateformes de gestion (CRM, ERP) qui seront demain dans un rapport collaboratif, relationnel et non plus transactionnel avec l’IA ; 2) la relation avec le client final, où la qualité et la satisfaction seront assurées par l’humain assisté d’une IA globale, objective et pertinente, déployée sur tous les canaux de communication ; 3) la « mise en pouvoir » (empowerment) de l’individu, et l’augmentation de son capital humain, le rendant ainsi plus performant, plus réactif, plus compétent, bref « augmenté » par les qualités uniques de l’IA.

  3. L’IA est sûrement aussi notre solution technologique majeure de demain pour régler les grands problèmes planétaires : l’écologie (traitement des déchets) et la gestion des futures pénuries des ressources naturelles (l’IA ne gaspillera pas). Ces enjeux importants pour la survie de l’humain pourraient suffire à eux-mêmes pour justifier le déploiement de l’IA, concept visionnaire qui nous vient des années 1950, même si à l’époque son potentiel ne pouvait pas être exploité par manque de technologies adéquates.

  4. L’IA est déjà un phénomène générationnel: les cognitive natives (angl.), nés dans la combinaison du monde digital et de l’IA, coexistent déjà avec les digital natives, les Millennials. L’IA est donc une vague de fond qu’il faut surfer, car il est impossible de la stopper. En revanche, nous sommes encore aux balbutiements dans la compréhension des métiers de demain, ainsi que dans le nouveau sens à donner à notre enseignement, culture et valeur du travail.

Un dernier mot au sujet de l’IA !

L’engouement grandissant du grand public pour l’IA est en permanence alimenté par des ouvrages, des blogs-experts, des contributions littéraires et scientifiques. Pourtant nous restons interrogatifs et dépassés à la fois par l’émergence accélérée d’un monde nouveau, pour lequel il nous est impossible d’avoir réponse à toutes nos interrogations philosophiques et existentielles. Tâchons de partager l’approche de Jean-Louis Desbiolles, auteur d’un ouvrage vulgarisant au sujet de l’IA, L’IA sera ce que tu en feras ?[1], et notamment de ne pas supposer ni craindre l’IA, mais en faire l’expérience et ainsi dégonfler la « baudruche à fantasmes ».

 

[1] Ouvrage paru en 2019. L’auteur, surnommé « French Doctor Watson » par Forbes Magazine, a d’ailleurs décidé de reverser la totalité de ses droits d’auteur à la fondation des enfants malades de l’hôpital Necker.