La hausse des taux et l’inflation ont refermé la parenthèse enchantée du crédit immobilier. Les nouvelles normes bancaires et la hausse du coût de l’argent ont restreint l’accès au crédit des particuliers. Pour les investisseurs, décrocher un prêt relève souvent du parcours du combattant. Pourtant, des solutions existent pour acheter un bien, avec l’appui d’experts en crédit et une bonne dose d’ingénierie financière. Et mieux vaut y avoir recours aujourd’hui que demain.
Par Eugénie Deloire
Publié le 1 février 2023
C’est un coup d’éclat médiatique. Le 4 janvier dernier, les six grandes associations représentatives des courtiers, mandataires et intermédiaires en crédit — l’Afib, la CNCEF Crédit, l’Anacofi, la CNCGP, l’Apic et La compagnie IOBSP- ont adressé un courrier à Olivier Klein, ministre chargé de la Ville et du Logement. Leur objectif provoquer une réaction de la part du gouvernement et alerter sur la dégradation des conditions d’emprunt des Français à été atteint puisqu’elles ont été reçues le 11 janvier par la Banque de France.
» Le déblocage de l’accès au crédit devient plus que jamais nécessaire « , soutenait le collectif, faisant le constat que des « Français découragés renonçaient, purement et simplement, à demander un prêt immobilier, le 1” janvier 2022 », Au mois de juillet, l’Association française des intermédiaires en bancassurance (Afib), pour ne citer qu’elle, avait déjà interpellé les pouvoirs publics du fait que la moitié des dossiers de crédits se voyaient refuser à cause du taux d’usure. L’Observatoire Crédit logement-CSA a annoncé une baisse de 42.6 % des prêts accordés en décembre, en niveau trimestriel glissant, et de 20,5 % sur l’ensemble de l’année, contre +3,8 % en 2021. « Les syndicats de promoteurs nous rapportent que des programmes sont annulés, les notaires et les agents immobiliers voient le nombre de transactions baisser : si aucune correction n’est apportée, c’est tout l’écosystème immobilier, de la construction à la location, qui va s’effondrer » redoute Estelle Laurent, administratrice de l’Afib.
Pour relancer la dynamique du marché, le collectif a proposé plusieurs solutions au gouvernement, telles que la désolidarisation du TAEA (taux annuel effectif d’assurance) et du TAEG (taux annuel effectif global), l’évolution des plafonds d’intervention d’Action logement, l’usage exceptionnel de l’option dérogatoire au calcul du taux d’usure, la révision des critères du Haut conseil de stabilité financière (HCSF) sur le calcul des revenus locatifs dans le taux d’endettement et la rehausse des durées maximales d’emprunt, notamment pour les jeunes ménages. « Les Français subissent depuis quelques mois l’effet dévastateur d’un mode de calcul du taux d’usure qui ne parvient à contrebalancer ni la hausse des taux de crédit, ni le plafond d’endettement fixé par le HCSF, et encore moins l’inflation et son corollaire, la baisse de pouvoir d’achat. Ce qui a pour résultat d’entraver l’accès au crédit d’une proportion grandissante de candidats », s’alarment les associations professionnelles.
Destiné à protéger les emprunteurs, le taux d’usure exclut désormais la tranche d’âge pourtant la plus susceptible d’assumer le remboursement d’un crédit immobilier, celle des trente-cinquante-cinq ans.
Révision du calcul du taux d’usure
Jusqu’alors écartée par la Banque de France, l’hypothèse d’une mensualisation temporaire du calcul du taux d’usure, et non plus trimestrielle, était à l’ordre du jour de la réunion du 11 janvier.
Réévalué tous les trois mois, le taux d’usure définit le seuil maximum en dessous duquel les banques sont autorisées à prêter, comprenant le taux nominal, l’assurance-emprunteur, les frais de dossier et la caution. « En période de remontée rapide des taux, le calcul sur la base des taux pratiqués par les banques le trimestre précédent le décorrèle de la réalité. Les banques remontent leur taux car le coût de l’argent ne cesse de progresser. Il a été multiplié par deux, entre décembre l’année dernière et aujourd’hui »,velate Cécile Roquelaure, directrice des études d’Empruntis.
Depuis près d’un an, les taux immobiliers suivent la courbe du taux d’usure et la hausse des OAT (obligations assimilables du trésor) sur dix ans, qui ont atteint le point culminant des 3,03 % le 2 janvier dernier, et rendent caduc le relèvement du taux d’usure, Passé de 3,03 à 3,53 % au 1“ janvier, pour les prêts d’une durée comprise entre dix et moins de vingt ans, et de 3,05 à 3,57 % pour les prêts sur vingt ans et plus, le seuil de l’usure doit, à priori, être appliqué jusqu’en 31 mars 2023.
Mais la bulle d’oxygène attendue par les emprunteurs n’a pas eu lieu. Les barèmes bancaires diffusés en janvier ont continué d’afficher des taux nominaux supérieurs à 2,50 % sur vingt ans et avoisinant les 3 % sur vingt-cinq ans, trop proches des seuils de l’usure, en particulier pour les plus de cinquante ans pour lesquels le coût de l’assurance de prêt est élevé. « Les banques ont capitalisé sur la hausse du taux d’usure pour remonter leurs barèmes. Ces augmentations varient entre dix et cinquante points de base. On peut ainsi dire que certains établissements sont dans le sillage de l’usure. Aujourd’hui, il est possible d’avoir un crédit sur vingt ans à un taux de marché à 2,65 %. Les meilleurs dossiers sur cette même durée obtiennent 2,10 %. Cela représente une hausse de vingt-cinq points de base en un mois pour les taux du marché et aussi pour les meilleurs profils », analyse Cécile Roquelaure.
Le changement de braquet de la Banque de France pourrait détendre le marché. « Cette réunion entre la Banque de France et les courtiers est une bonne nouvelle. Une revalorisation mensuelle permettrait aux banques de se positionner de manière plus adaptée et plus vive sur ce marché de début d’année 2023. Certaines banques bloquées par la règle trimestrielle pourraient ainsi décider de revenir plus vite à la conquête de nouveaux clients via le canal du crédit immobilier », espère Kevin Spreux, directeur du développement de Prelys Courtage. Une lueur d’espoir pour les emprunteurs ?
Les banques sur la réserve
La balle est dans le camp des banques. En effet, celles-ci se sont montrées frileuses depuis le deuxième semestre 2022. « Dès le mois de juillet, la dégradation rapide de la profitabilité des nouveaux prêts a amplifié la dépression de la demande. L’offre bancaire s’est contractée, confrontée à un taux d’usure inadapté dans le contexte du relèvement du principal taux de refinancement de la BCE », analyse l’Observatoire du Crédit logement-CSA. La revalorisation du taux d’usure intervenue le 1” octobre a permis un accroissement des taux des crédits immobiliers, mais la nouvelle phase de relèvement des taux de la BCE a pesé sur les marges des banques. « Depuis le mois d’avril, les conditions se sont dégradées, au point que certaines banques ont fini par arrêter de financer les crédits immobiliers », confie Cécile Roquelaure. La chute de la production de crédits s’est poursuivie avec, en décembre, une baisse mesurée en niveau trimestriel glissant de 44,1%. En niveau annuel glissant, elle s’éléve 19.9% à fin décembre, contre +4.3% il y a un an à la même époque.
Prêts accordés dans le neuf
Dès le début de l’année 2022, le recul de l’activité s’est amplifié. La dégradation rapide de la profitabilité des nouveaux prêts a été à l’origine d’une contraction de l’offre bancaire qui s’est ajoutée au ralentissement de la demande. La production de crédits mesurée en niveau trimestriel glissant a reculé rapidement. Accusant un repli de 46,5 % en décembre La diminution du nombre de prêts a quant à elle, chuté de 44,6 % sur la même période. Comme pour l’ensemble du marché, l’activité mesurée en niveau annuel glissant recule rapidement de 19,6% pour la production, contre +1% il y a un an à la même époque, et de 21,9% pour le nombre de prêts bancaires accordés, contre +2.1% en 2021.
Prêts accordés dans l’ancien
Dans l’immobilier ancien, le nombre de prêts accordés a nettement diminué. La baisse de l’activité s’est accélérée et l’offre bancaire s’est contractée. La production de crédits mesurée en niveau trimestriel glissant accuse, en décembre, un repli de 38 %. La diminution du nombre de prêts a suivi le même rythme, reculant de 36,8 %. L’activité mesurée en niveau annuel glissant est en repli, à fin décembre, de 22,8 % pour la production, contre +8% il y a un an à la même époque, et de 25,7 % pour le nombre de prêts bancaires accordés, contre +0,7% en 2021.
Objectifs commerciaux en 2023
En ce début d’année, les objectifs affichés par les établissements bancaires se révèlent hétérogènes. « Certains réseaux nationaux gardent un appétit pour le crédit immobilier, mais d’autres banques donnent peu de visibilité sur leur production. Cette situation est inédite car, historiquement, les objectifs commerciaux étaient posés au mois de janvier et déterminaient l’offre de marché à venir », observe Mickaël Colson, directeur de l’animation et du développement commercial chez le courtier en crédit immobilier Cafpi.
Boursorama, qui se présente comme « la banque la moins chère depuis quinze ans », affirme avoir divisé par trois sa production de crédits face au retournement violent des taux. « Notre modèle économique consiste à réduire au maximum nos marges sur les produits pour rendre la valeur aux clients. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre de l’argent sur le crédit immobilier, détenu sur de longues périodes par les emprunteurs », explique Xavier Prin, directeur marketing de Boursorama. La banque digitale ne travaille pas avec les courtiers et supporte l’intégralité des efforts sur les taux. Elle privilégie, par conséquent, les dossiers à l’enveloppe élevée et applique une stratégie de conservation de sa clientèle haut de gamme. Pour les autres, « les crédits sont distribués au compte-goutte», concède le directeur. Un crève-cœur pour le banquier qui projetait, en 2020 de faire du crédit immobilier 100% en ligne son activité principale.
Bras de fer avec les courtiers
Si les banques rognent sur leurs marges, ce sont les courtiers qui pâtissent le plus d’un environnement défavorable aux crédits. Bérengère Dubus, fondatrice de l’Union des intermédiaires de crédit (UIC), évoquait une fin d’année 2022 « terrible » pour beaucoup de courtiers qui ont vu les taux de refus de dossiers de crédit atteindre les 40%, sur un an. « Les courtiers sont actuellement hors-jeu sur le marché de l’immobilier. Les banques, à flux tendu, ne veulent pas ajouter des frais de courtage à des dossiers qui ont déjà du mal à passer sous le taux d’endettement autorisé », estime Alexandre Fitussi, fondateur de la plateforme d’investissement en ligne Beanstock.
Le réseau Vous financer qui constate une baisse de 15% du nombre de crédits immobiliers accordés à fin 2022, comparé à 2021, anticipe la poursuite de ce ralentissement, au moins au premier semestre 2023. « Les vannes du crédit ne sont pas encore rouvertes et ne le seront pas tant que l’activité de crédit ne sera pas rentable pour les banques… Dans ce contexte, beaucoup d’acheteurs potentiels diffèrent leurs projets, notamment les investisseurs. Il n’y a plus autant d’investissement d’opportunisme que quand les taux étaient à 1% », commente Sandrine Allonier, porte-parole du réseau de courtier. Une situation inédite pour la profession.
Le 30 août 2022, l’UIC qui, depuis 2019, dénonçait l’entrave de certaines banques au libre exercice de leur profession, avait lancé une question parlementaire écrite portant sur le refus de certaines banques de traiter les dossiers de clients présentés par l’intermédiaire d’un courtier. Le 9 janvier, le ministère de l’Economie et des Finances y a répondu en confirmant que le mandat confié par un client à son courtier devait s’imposer aux banques. En vertu des dispositions prévues par le Code monétaire et financier, le Code de la consommation et le Code civil applicables aux activités d’intermédiation bancaire, les établissements qui enfreindraient la législation s’exposeraient à de lourdes sanctions de la part de l’Autorité de la concurrence. « Il s’agit d’une décision historique et d’une véritable victoire pour les trente-quatre mille courtiers en crédit immobilier ! Après plusieurs années de lutte acharnée contre les établissements bancaires qui cherchaient à évincer les courtiers du marché du crédit immobilier, nous venons d’obtenir officiellement gain de cause auprès du ministère de l’Economie et des Finances », s’est réjouie Bérengère Dubus.
La situation devrait se débloquer au second semestre, à en croire les prévisions des courtiers. « A partir du mois d’avril, nous devrions revenir à un équilibre du marché, après un début d’année compliquée. Les banques qui ont conservé les mêmes ambitions que par le passé sur le crédit immobilier feront la plus grosse partie de leur production au second semestre », prévoit Mickaël Colson, qui table sur un recul du prix des matières premières et sur une légère décélération de l’inflation au fil des mois. Les dernières statistiques publiées début janvier par la Banque de France évoquent une normalisation dans un contexte de remontée progressive des taux. Hors renégociations, la production de crédits nouveaux cumulée, sur l’année précédente, ressort ainsi à 218,4 milliards d’euros, soit un plus haut historique en dehors de l’exceptionnelle année 2021 à laquelle 2022 est inférieure de 3%.
Les prix de l’immobilier restent élevés
En attendant l’embellie annoncée, les prix de l’immobilier continuent à grimper. Au niveau national, ils affichent une hausse de 6,7 % hors inflation au 1er janvier, en particulier dans les villes de taille moyenne et les stations balnéaires ou de ski, où ils progressent, respectivement, de 6,7%, 10,7 % et 10,3%, révèle la Fnaim. Le prix moyen au mètre carré d’un logement en France s’élève ainsi à 3 119 €, soit +7,2% comparé au 1er janvier 2022. Les appartements ont gagné 5,1 %, à 3893 €/m2 (+ 5,4% vs 2022) et les maisons +7,9 % à 2500 €/m2 (+8,7% vs 2022). « Le niveau des prix de l’immobilier n’a jamais été aussi haut. Malgré une légère baisse constatée en fin d’année dans les grandes villes et quelques communes de banlieues, ils augmentent de façon continue depuis six ans », confirme Thomas Lefebvre, directeur scientifique de Meilleurs Agents. A Paris, les prix ont progressé de 15,7% en cinq ans, de 20% en Ile-de-France et de plus de 30% dans les dix plus grandes villes de province.
Conséquence de la hausse des prix de la pierre, le montant moyen des crédits immobiliers (hors primo-accédant) s’établit à 161 800 € en 2023, contre 151000 € en 2022. « L’apport moyen est passé de 69 400 € à 82 600 € sur l’année 2022, et enfin le revenu moyen d’un emprunteur est passé de 35 300 € par an à 40 200 € par an », calcule Pierre-Etienne Beuvelet, directeur général du réseau national de courtiers In&Fi Crédits. Au global, le coût du crédit a augmenté de 4,6% en 2022, confirme l’Observatoire du Crédit logement-CSA.
Coût du crédit dans le neuf
Le coût des opérations neuves progressant à un rythme soutenu (+6% en glissement annuel, contre +2% en 2021); les revenus des acquéreurs se sont élevés plus rapidement que par le passé (+5,5% en glissement annuel). Au fil des mois, les emprunteurs faiblement dotés en apport personnel et/ou dont le niveau de leurs revenus ne leur permet plus de satisfaire aux exigences de taux d’effort rencontrent des difficultés supplémentaires pour accéder au crédit, renforçant le déplacement de la demande vers les tranches de revenus supérieures.
Les dernières statistiques publiées début janvier par la Banque de France évoquent une normalisation dans un contexte de remontée progressive des taux.
Dans ces conditions, le coût relatif recule pour s’établir à 5,4 années de revenu au quatrième trimestre, contre 5,6 années il y a un an, à la même époque. Le niveau de l’apport personnel mobilisé par les emprunteurs s’envole à + 16,9 % sur douze mois et +44,3% depuis décembre 2019, soit plus de 20000 €.
Coût du crédit dans l’ancien
Depuis le début de l’année 2022, les difficultés d’accès au crédit se sont renforcées pour de nombreux candidats à l’acquisition d’un logement ancien, soumis à l’application de la recommandation du HCSF qui impose un taux d’endettement inférieur à 35 % des revenus, assurance comprise, et à la remontée des taux d’intérêt. La tension sur le coût des opérations ne se relâche pas, en hausse de 4,2% à fin décembre.
Dans ces conditions, les revenus des ménages qui entrent sur le marché augmentent plus rapidement qu’auparavant (+4%, en glissement annuel, contre 1% l’an dernier). Là aussi, le coût relatif des opérations réalisées se maintient à un niveau élevé, demandant 5,4 années de revenus au quatrième trimestre, contre 5,4 années il y a un an, à la même époque. Le niveau de l’apport personnel progresse de 10,8% sur un an et de 42% depuis 2019, soit plus de 21 900 €.
Risque de blocage
La tendance haussière des prix de l’immobilier devrait se poursuivre en 2023, faisant courir le risque d’une baisse des transactions. A fin novembre, le nombre de ventes (actes signés) réalisées s’élevait déjà à 1,116 million sur douze mois, soit un recul de 6% sur an. par rapport à novembre 2021. « Les particuliers ne bénéficient plus du même pouvoir d’achat immobilier qu’hier. Un foyer qui disposait de 300000 €il y a un an, a vu sa capacité d’emprunt diminuer de 15% et ne peut financer désormais son bien qu’à hauteur de 260000 € », démontre Thomas Lefebvre. D’autant que les vendeurs rechignent à ajuster leurs prix à la baisse. De quoi plomber le moral des acheteurs et ralentir une demande déjà déstabilisée par l’inflation et le déclenchement de la guerre en Ukraine. « Le second semestre 2022 a été marqué par la convergence entre la crise économique et la crise énergétique, et le contexte de ce début d’année n’a pas beaucoup évolué. Outre le facteur conjoncturel, la décorrélation des prix de l’immobilier et de la capacité d’emprunt des Français est un problème d’ordre structurel. Le manque de logements alimente la hausse des prix et créé un décalage avec les ressources financières des emprunteurs », analyse Pierre-Etienne Beuvelet.
Pour ce dernier, il va falloir s’habituer à la nouvelle normalité de taux d’emprunt plus élevés. « Ces dix dernières années, les taux avaient été maintenus par la BCE à des niveaux anormalement bas, voire négatifs. Le retour de l’inflation, qui s’est accélérée en 2022 avec une moyenne de 5 à 6%, a été un réveil brutal pour les emprunteurs. Or la BCE ne baissera pas les taux tant que l’inflation ne fléchira pas », assure le directeur, prévoyant un cycle de dix ans, avec des taux d’emprunt rehaussés à 4%. En attendant, il faudra s’attendre à cinq ou six mois encore de fortes tensions sur le marché, ainsi qu’à un afflux de dossiers gelés au premier trimestre 2023, qui seront représentés en avril avant une nouvelle hausse des taux, à moins que la révision mensuelle du taux d’usure envisagée par la Banque de France entre en vigueur d’ici là.
Après avoir atteint un pic à 5,9% en 2022, le rythme de l’inflation ne devrait ralentir qu’à l’horizon 2024, pour redes cendre lentement vers les 2%, selon la Banque de France.
La croissance économique devrait marquer le pas, avec un PIB en légère progression, à +0%, au mieux, sans écarter le risque d’une récession. Dans un environnement incertain, le taux de l’OAT à dix ans continuerait alors d’augmenter pour s’établir à 2,75%, en moyenne, à la fin de l’année. L’hypothèse concernant le principal taux d’intervention de la Banque centrale européenne retenue est celle d’une nouvelle augmentation. Le conduisant à 2, 85% en 2023 (contre 0,58% en 2022), après deux hausses de vingt-cinq points, pour finir l’année à 3% avant de se détendre en 2024, avec le ralentissement de l’inflation.
Les investisseurs pénalisés
Plus fortement impactés par les nouvelles règles du jeu, les investisseurs doivent montrer patte blanche pour financer leur achat. « C’est une véritable tannée de faire passer les dossiers d’achat locatifsi l’emprunteur détient encore un crédit sur sa résidence principale ou s’il est domicilié dans une autre banque », déplore Estelle Laurent.
Si les investisseurs bénéficient de conditions quasi similaires aux autres emprunteurs, avec des taux identiques à ceux appliqués pour l’achat d’une résidence principale, les conditions d’accès au crédit sont plus contraignantes qu’avant. En cause, la suppression du calcul différentiel décidé par le HCSF qui impose désormais aux banques de calculer le taux d’endettement de la même façon pour tous les emprunteurs, alors que les investisseurs bénéficiaient, avant 2022, d’une souplesse liée au calcul en compensation leur permettant d’abaisser de 10% leur taux d’endettement. « Cette méthode visait à calculer l’effort financier lié à l’investissement (charges de crédit-revenu locatif) et à intégrer cette charge au taux d’endettement, ce qui le faisait mécaniquement augmenter », rappelle Cécile Roquelaure.
Par ailleurs, si les banques peuvent déroger aux critères pour 20% de leur production, elles doivent consacrer 80% de cette enveloppe aux achats de résidence principale. « Ce qui intéresse avant tout les banques, aujourd’hui, c’est la notion de rentabilité de la relation client.
Si les investisseurs bénéficient de conditions quasi similaires aux autres emprunteurs, les conditions d’accès au crédit sont plus contraignantes qu’avant.
Or la relation commerciale est plus facile à établir avec un primo-accédant qu’avec un investisseur déjà bancarisé et conseillé », note Mickaël Colson. Le courtier note une baisse de 30 % des dossiers provenant d’investisseurs. Ces derniers préférant attendre une conjoncture plus clémente ou étant bloqués, en amont, lors de la simulation de prêt. Mais si certaines banques se sont, momentanément, mises en retrait des investissements locatifs, la porte n’est pas tout à fait fermée, moyennant une négociation sur les tarifs. Enfin, le DPE est devenu obligatoire dans l’instruction du dossier de financement, et selon la catégorie du diagnostic, la banque exige que les travaux de rénovation soient intégrés dans l’enveloppe de financement d’achat ou que l’emprunteur ait l’épargne nécessaire pour les opérer. Un nouveau facteur à intégrer.
Des montages spécifiques
C’est donc le moment, pour les experts en crédit, de faire preuve d’ingéniosité financière et de se démarquer, par la même occasion, des banquiers, en élaborant des stratégies pour faciliter l’accès au crédit. « Les projets étant devenus moins facilement finançables, il faut anticiper les difficultés et travailler avec le client en amont afin d’éviter les situations de blocage », note Mickaël Colson. Si jouer sur le TAEG qui regroupe le taux nominal du prêt, l’assurance et les frais de garantie, bancaires et/ou de courtage, est le principal levier utilisé par les intermédiaires, il existe des montages spécifiques, pour les cas particuliers.
Réduire les frais d’assurance
Première action; réduire les frais d’assurance de prêt qui font grimper le taux d’endettement (de 0,30 à 0,50 point à partir de quarante ans et plus d’un point dès cinquante ans). « L’avantage pour les investisseurs est que certaines banques ne demanderont pas la garantie incapacité totale de travail (ITT), ce qui fait mécaniquement baisser son coût », note Cécile Roquelaure.
Pour les profils de moins de trente-cinq ans, en bonne santé, ne pas souscrire à une assurance de prêt du tout est même possible. « L’assurance de prêt immobilier n’est pas une obligation légale, bien qu’elle soit systématiquement réclamée par les banques. Elle peut aussi être résiliée en cours de route », précise Alexandre Fitussi. Une option intéressante, à condition d’être dans les petits papiers de son banquier.
Emprunter à taux variable ou mixte
Les taux révisables font leur retour sur le marché. Leur intérêt ? Un seuil nominal de départ, plus bas que le taux fixe, qui permet de passer sous la barre du taux d’endettement. Ce taux sera, par la suite, revu à la hausse ou à la baisse, selon l’indice de référence Euribor à trois ou six mois. « L’écart de taux entre un taux variable capé et un taux fixe est en général de vingt points de base, c’est donc un outil qui peut permettre de passer le taux d’usure », précise Cécile Roquelaure qui préconise un taux capé, seuil maximal et minimal au-delà duquel la mensualité ne peut s’élever en cas de hausse ou de baisse des taux de marché. En général, le taux initial ne peut être augmenté que de quelques points et le plafond maximal ne dépasse pas les 3.5%.
Malgré ses avantages, cette solution n’est proposée que par 10% des banques qui lui préfèrent des taux mixtes, sécurisés par une période à taux fixes. « Ces prêts sont à taux fixes sur une première période de remboursement puis à taux variable sur une seconde période toutes deux fixées à la signature du contrat ». explique Ludovic Huzieux, cofondateur du groupe Artémis Courtage.
Opter pour un crédit in fine
Particulièrement adapté aux investissements locatifs, le prêt in fine offre la possibilité de ne rembourser que les intérêts pendant toute sa durée. Contrairement au prêt amortissable, le capital est remboursé en une seule fois, à la dernière échéance. Les intérêts sont plus élevés, mais déductibles des revenus, et les économies réalisées peuvent être réinvesties. « Il s’agit d’un produit de luxe, proposé aux clients premium qui disposent d’une épargne en nantissement, d’un contrat d’assurance-vie ou d’une hypothèque sur un bien immobilier dont la somme est bloquée le temps du remboursement du crédit », note Alexandre Fitussi.
Attention, également, à la tendance du marché. « Si les prix grimpent et que le bien se valorise le temps du prêt, l’investisseur aura minimisé ses charges et remboursé son capital à la sortie, peut-être même avec une plus-value. A l’inverse, si le marché baisse, la somme à rembourser sera supérieure à la valeur du bien », prévient Ludovic Huzieux. Pour investisseurs avertis.
Acheter par le biais d’une holding SCI
A destination des profils d’entrepreneurs, des chefs d’entreprise ou des familles aisées, détenant des structures à personnes morales, il est judicieux de proposer un achat immobilier via une holding SCI. La trésorerie détenue par la holding est transférée dans le compte-courant de la SCI, ce qui évite les frottements fiscaux et permet de financer des projets patrimoniaux », explique Jean-Baptiste Monié, directeur de la société de courtage en crédit Carte financement.
Si les taux d’emprunt sont plus élevés, puisque destinés à un public professionnel, investir dans un actif commercial ou de bureau permet d’éviter les fourches caudines du HCSF. Le taux d’usure applicable dans ce cas étant plus élevé, l’emprunteur augmentera ses chances d’obtenir un financement. << Acheter un bien en pied d’immeuble avec commercialité pour le transformer en cabinet médical ou en Airbnb est l’une des possibilités qu’offre ce montage, pour un investissement aux alentours de 200 000 € par exemple », illustre le directeur.
Pour ce dernier, le potentiel de revalorisation des loyers des locaux commerciaux et des bureaux, respectivement soumis à I’ILC (indice des loyers commerciaux) et l’ILAT (indice des loyers des activités tertiaires), assure des rendements attractifs, jusqu’à 10% selon l’emplacement et la zone géographique du bien.
Basculer vers un crédit « vert »
Pour les propriétaires, les crédits dédiés à la rénovation énergétique sont à regarder de près. « Les organismes de crédits à la consommation proposent des prêts verts pour financer les travaux de rénovation énergétiques à des taux préférentiels ». Indique Sandrine Allonier.
Plutôt rétives à prêter, certains réseaux bancaires généralistes commencent toutefois à proposer des taux plus avantageux pour les achats de biens performants, notés A, B ou C au DPE, ou à commercialiser des produits dédiés, à l’image des prêts travaux verts, non affectés. « Le marché du crédit évolue et la rénovation énergétique du pare existant est l’enjeu des dix prochaines années. Demain, les contraintes réglementaires qui pèsent sur le marché locatif depuis l’entrée en vigueur de la loi Climat et résilience deviendront des arguments de vente ou d’achat », soutient Pierre-Etienne Beuvelet.
Pour les professionnels de l’immobilier, c’est maintenant qu’il faut investir.
Investir dans une SCPI
Face aux difficultés de financement de la pierre, les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) s’affirment comme un marché de report qui bénéficie, au premier semestre, de la plus large fenêtre de tir. « Les investisseurs peuvent acheter des parts de SCPI en souscrivant à un prêt à la consommation pour une enveloppe souvent moins élevée et limiter ainsi leur taux d’endettement », note Fabien Mailletas, directeur de Stellium Financement. Le ticket d’entrée moyen pour un investissement dans la pierre-papier s’élève, en effet, à 106000 €, contre 220000 € pour l’immobilier physique, pour une rentabilité avoisinant les 4,5 à 5%, sans problématique de gestion locative, de délais de construction ou de travaux à effectuer.
Preuve que l’alternative séduit, la société d’investissement a doublé son volume de ventes de SCPI en 2022. Elle travaille même à une offre à l’attention des locataires. « Beaucoup de gens font le choix de ne pas devenir propriétaires mais désirent tout de même se constituer un patrimoine. Nous voulons ouvrir un champ des possibles à ce profil d’investisseurs que les banques connaissent mal », explique le directeur.
Anticiper la remontée des taux
Pierre-papier ou investissement locatif, qu’importe ! Pour les professionnels de l’immobilier, c’est maintenant qu’il faut investir. Certes, la parenthèse enchantée du crédit s’est refermée, mais il est encore temps de profiter des taux actuels avant qu’ils ne s’envolent à nouveau.
«La tension locative n’a jamais été aussi forte dans les grandes villes et encore plus dans l’ancien, dont une partie du pare, qualifiée de passoires thermiques, sortira, à terme, du marché », note Alexandre Fitussi qui déconseille aux particuliers de reporter leur achat immobilier pour profiter du levier du crédit.
Selon les simulations de la plateforme Beanstock, décaler son investissement de
six mois générerait un manque à gagner de 4590 € d’ici 2032 et cette perte doublerait presque à 8 100€ au bout de vingt ans de crédit. « La remontée des taux et la rarefaction des crédits ont ralenti le marché immobilier, devenu euphorique. Or même sur les quelques villes où les prix décroissent, ces baisses de prix sont loin de compenser les hausses de taux. Pour compenser le relèvement des taux de 2022, il aurait fallu que les prix baissent de 20%. L’attentisme n’est donc pas un bon calcul, compte tenu de la hausse des taux en 2023 », déclare le spécialiste.
Même son de cloche chez les agents immobiliers. 71 % des agences constatent une hausse des marges de négociation de 5 à 10%, et même jusqu’à 20% de la valeur affichée des biens lorsque leur DPE est mauvais », indique Sandrine Allonier qui a réalisé un sondage au sein du réseau l’Adresse. Cette dernière rappelle, par ailleurs, qu’emprunter à 3 ou 4% quand l’inflation devrait atteindre les 7% en 2023, selon l’Insee, est encore une bonne affaire, en particulier pour les propriétaires bailleurs dont les rendements locatifs sont assurés à long terme et revalorisés par les hausses de loyers à venir.
Source : INVESTISSEMENT CONSEILS
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